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Le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo en Italie (élections législatives, 2018) et le Parti conservateur de Boris Johnson (Brexit, 2016) au Royaume-Uni possèdent un point commun : un succès inattendu construit sur internet et sur les réseaux sociaux. Chaque parti vainqueur a en effet construit sa stratégie sur les technologies de l’information.

En 2019, Giulano da Empoli dénonce l’utilisation des algorithmes en politique dans son livre, « Les ingénieurs du chaos ». En vain ! La puissance du numérique prend une nouvelle dimension avec l’arrivée des intelligences artificielles génératives de contenus en décembre 2022 : ChatGPT et Midjourney. Comment intelligence artificielle et politique peuvent-elles dès lors cohabiter ?

Comment l’intelligence artificielle intervient-elle en politique ?

La puissance de l’intelligence artificielle (IA), c’est la convergence de trois technologies : le traitement massif des données (Big Data), leur stockage (cloud) et le développement de l’apprentissage numérique (machine learning). L’IA devient ainsi capable de doper l’action politique.

L’IA impacte la manière de communiquer des acteurs politiques

L’IA permet de générer un texte à la place de l’humain. Pour y parvenir, l’outil fournit un travail de recherche, de collecte et de synthèse de données. Il peut ainsi produire un discours politique adapté à différents publics en quelques millièmes de seconde. La rapidité des résultats obtenus dépasse celle de l’homme. Avec Midjourney, un parti politique peut également générer des images adaptées à sa cible. Intelligence artificielle et politique créent ainsi un nouveau système de communication.

L’IA impacte la prise de décision des acteurs politiques d’un pays

Pour remporter des élections, un homme politique peut proposer un programme électoral construit avec l’intelligence artificielle :

  1. Recueil de données sur les aspirations des électeurs.
  2. Construction d’une stratégie autour de la satisfaction de leurs demandes.
  3. Utilisation des algorithmes des réseaux sociaux pour diffuser les informations et les messages.
  4. Ajustement de la stratégie de communication selon les résultats.

Ensuite pendant son mandat, pour vérifier la pertinence d’une décision politique, l’IA permet d’analyser très rapidement l’opinion politique : traitement des milliers de commentaires, d’articles de presse ou de publications diverses. Le mariage intelligence artificielle et politique peut ainsi façonner l’évolution d’un pays.

L’intelligence artificielle impacte la géopolitique et les relations entre les pays

L’élection de Donald Trump en 2016 a mis en lumière l’influence possible de la Russie sur les résultats des élections américaines. Passés maîtres dans l’utilisation des algorithmes, les Russes sont soupçonnés d’avoir favorisé le système politique qui leur était favorable. Taïwan dénonce également une tentative d’influence de la Chine sur les élections locales de 2018. Intelligence artificielle et politique peuvent donc influencer les systèmes politiques de pays souverains.

Comment l’État légifère-t-il sur l’intelligence artificielle en France ?

Comme dans de nombreux États, le cadre juridique de la France est encore en construction. Ou plutôt en co-construction avec l’Europe et les plateformes en ligne !

France : une stratégie nationale pour une intelligence artificielle fiable

Malgré la course à l’innovation, la France réfléchit au statut éthique des technologies de l’IA. Elle souhaite ainsi faciliter et encadrer son développement. L’État veut garantir une intelligence artificielle fiable. Et la confiance dans l’outil doit reposer sur un cadre de transparence et de confidentialité : par exemple, obligation d’une mention « généré par l’IA » ou insertion d’un filigrane dans les contenus. 

Europe : le défi d’une utilisation saine de l’intelligence artificielle en politique

En 2016, les pays de l’Union européenne s’accordent sur la création du RGPD (règlement général sur la protection des données). L’innovation technologique de l’IA bouscule aujourd’hui ce socle juridique. En effet, elle se nourrit des données et des informations d’internet et des réseaux sociaux. Il s’agit donc de créer un système de droits qui à la fois protège les données des utilisateurs (RGPD) et à la fois permette l’utilisation optimale de l’IA.

Au sein du projet AI Act, les États européens sont en discussion pour réguler l’intelligence artificielle. L’objectif vise à lutter contre les hyper trucages (deep fake) générés par une IA. Ils s’accordent ainsi sur trois niveaux de risques pour la santé, pour la sécurité et pour les droits fondamentaux :

  • les risques inacceptables (interdiction) ;
  • les hauts risques (procédure d’évaluation obligatoire) ;
  • les risques faibles (aucune réglementation).

Monde : un cadre pour les contenus et les informations diffusés en ligne

Les plateformes en ligne (Google, Facebook) diffusent du contenu numérique dans le monde entier. Impliqués dans la propagation de fake news (fausses informations), les différents acteurs subissent la pression des États. Avec les IA génératives, ils doivent renforcer leurs politiques de lutte contre la désinformation. Mais face à la liberté d’entreprendre, poser un cadre éthique mondial représente un véritable défi.

Dans quelle mesure peut-on intégrer l’intelligence artificielle à la vie démocratique ?

La technologie de l’IA s’appuie sur sa capacité à traiter les informations pour générer du contenu numérique. Dans un cadre éthique, son utilisation peut alors contribuer au développement de la vie démocratique : vulgarisation des informations et renforcement de la participation citoyenne.

L’IA permet la vulgarisation et la diffusion des informations politiques dans la société

La démocratie a besoin de citoyens éduqués aux sciences politiques. L’IA peut contribuer à cette éducation. La recherche, l’analyse et la synthèse de données sur les questions politiques deviennent faciles. En quelques millièmes de seconde, vous obtenez des informations compréhensibles à tous les publics. La connaissance politique n’est plus dès lors l’apanage de l’élite intellectuelle de la société.

Le développement de la participation à la vie politique

Intelligence artificielle et politique créent les conditions du débat au sein de notre société. L’IA rend possible en effet l’organisation d’assemblées dématérialisées. Chacun peut soumettre un avis éclairé sur une question politique. Le traitement des informations recueillies n’est plus un obstacle. Les résultats de ces consultations citoyennes sont analysés et synthétisés grâce à l’IA. Les données obtenues alimentent les décisions du gouvernement. Intelligence artificielle et politique créent ainsi un système vertueux de vie démocratique.

Quels sont les enjeux politiques de l’intelligence artificielle ?

La diffusion rapide de l’IA bouscule les systèmes politiques. Entre opportunités et menaces, les enjeux démocratiques sont majeurs.

Système politique et IA : préserver le modèle démocratique de notre société

La génération rapide et facile de contenus peut contribuer à la désinformation. Fake news et deep fake constituent ainsi des risques plausibles de déstabilisation d’un pays. Les algorithmes des réseaux sociaux facilitent en effet la viralité. Ils peuvent contribuer à propager des informations hyper truquées grâce aux technologies de l’IA. Cette désinformation crée alors une perte de confiance dans les institutions politiques. In fine, cette utilisation de l’IA peut favoriser lémergence au pouvoir d’un parti non démocratique.

L’emploi de l’IA ou le nécessaire développement du discernement dans notre société

De la menace de la désinformation naît l’opportunité d’une adaptation vertueuse de notre société. En effet, la manipulation et le mensonge en politique ne sont pas neufs dans l’histoire de nos pays. Mais l’IA leur donne aujourd’hui une puissance jamais égalée. C’est pourquoi l’apprentissage du discernement devient impératif. Les pouvoirs politiques doivent donc développer l’esprit critique des citoyens et la recherche de sources fiables.

Maîtriser l’évolution des technologies de l’intelligence artificielle

Pour favoriser un emploi bénéfique de l’IA, les pays doivent maîtriser son développement. Il s’agit ainsi de se prémunir contre les mauvaises intentions : obligation de transparence, droits d’utilisation et sécurité des données. La mise en place d’un protocole d’évaluation devient une nécessité pour garantir un emploi sain de l’IA en politique.

En quoi l’intelligence artificielle pourrait-elle être utile à la politique en France ?

Dans un cadre éthique, l’intelligence artificielle peut soutenir le travail des acteurs de la politique.

L’IA permet une économie de moyens en stratégie politique

L’IA, c’est un puissant outil d’automatisation. Elle permet l’économie d’emploi de centaines de petites mains dans un parti politique. Cette technologie peut donc favoriser la diversification des forces politiques en France. Il n’est plus nécessaire d’être un grand parti historique pour exister. Une stratégie politique peut se développer avec des moyens réduits. L’IA permet en effet d’automatiser des tâches chronophages : veille politique, recherche et analyse de données, réponses automatiques aux courriers, préparation de notes sur un sujet, etc. 

L’intelligence artificielle permet d’ajuster les actions politiques aux besoins de la société

Grâce à l’IA, les acteurs politiques peuvent analyser l’opinion publique instantanément. Un algorithme intelligent peut traiter des centaines de milliers de commentaires sur les réseaux sociaux. Pour un parti politique, c’est la possibilité de vérifier la pertinence d’un amendement ou d’une proposition de loi.

Quels sont les inconvénients et les risques de l’intelligence artificielle dans la vie politique ?

Intelligence artificielle et politique représentent un mariage pour le meilleur ou pour le pire. À l’instar de l’innovation en médecine, il s’agit dès lors de maîtriser le rapport bénéfices / risques pour un emploi fiable de l’IA. Pour y parvenir, la prise conscience des inconvénients possibles pour la vie politique semble indispensable :

  • désinformation ;
  • reproduction des biais présents dans les données traitées par l’IA ;
  • disparition ou réduction de l’humain dans les décisions politiques.

Quel avenir l’intelligence artificielle réserve-t-elle à la politique ?

L’IA représente un outil accessible à tous. Cette technologie peut donc contribuer au renouvellement de la scène politique. Mais, l’algorithme de l’IA ne développe pas aujourd’hui de nouvelles idées : il s’appuie en effet sur des données déjà existantes. Il s’agit donc de conserver une place à l’humain dans l’élaboration d’idées. Sous peine d’un affaiblissement de nos systèmes politiques !

Intelligence artificielle et politique doivent rimer avec transparence et créativité. Un nouvel équilibre des forces se dessine pour la France et les pays européens. Aux utilisateurs de respecter un cadre éthique !